L’impact des politiques monétaires des banques centrales sur les marchés financiers

L’impact des politiques monétaires des banques centrales sur les marchés financiers

Introduction

Les marchés financiers mondiaux sont constamment en mouvement, et l'une des forces les plus significatives qui les guident est l'action des banques centrales. Ces institutions jouent un rôle crucial dans la gestion des économies nationales et leurs décisions ont un impact direct sur les marchés financiers. Ainsi, les banques centrales poursuivent généralement des objectifs clés tels que le maintien de la stabilité des prix, la promotion de la croissance économique et la préservation de l'emploi. Les taux d'intérêt sont l'un des principaux outils dont disposent les banques centrales pour atteindre ces objectifs. En période d'inflation élevée, une banque centrale peut choisir de relever les taux d'intérêt pour refroidir l'activité économique et contenir les pressions inflationnistes. À l'inverse, en cas de ralentissement économique, elle peut abaisser les taux d'intérêt pour stimuler les investissements et la consommation. Parmi les principales banques centrales qui exercent une influence considérable, on retrouve la Réserve fédérale américaine (FED), la Banque centrale européenne (BCE), la Banque populaire de Chine (PBOC), la Banque du Japon (BoJ) et la Banque d'Angleterre (BoE). Dans cet article, nous explorerons en détail la manière dont les décisions de ces banques centrales influent sur les marchés financiers mondiaux et la nécessité, pour les investisseurs, de considérer l’influence de ces institutions dans le développement de leurs stratégies.

I. Les principales banques centrales et leur influence

A. La Réserve fédérale américaine (FED)

La FED, en tant que banque centrale des États-Unis, exerce une influence prépondérante sur les marchés financiers mondiaux. Ses décisions en matière de taux d'intérêt, de politique monétaire et de mesures d'assouplissement quantitatif ont des répercussions immédiates sur les cours des actifs mondiaux. Par exemple, une hausse des taux d'intérêt de la FED peut entraîner une appréciation du dollar américain, impactant les marchés émergents et les flux de capitaux mondiaux.

B. La Banque centrale européenne (BCE)

La BCE, en tant que gardienne de la politique monétaire de la zone euro, influence les marchés financiers européens et mondiaux. Ses décisions sur les taux directeurs, les programmes d'achat d'actifs et les politiques de change ont un impact significatif sur l'euro et les marchés européens. Les investisseurs surveillent de près les annonces de la BCE pour anticiper les tendances des marchés financiers.

C. La Banque populaire de Chine (PBOC)

La montée en puissance de l'économie chinoise a accordé à la PBOC un rôle de plus en plus crucial sur la scène mondiale. Les décisions de la PBOC en matière de taux de change du yuan, de politiques de crédit et de mesures pour stimuler ou freiner l'économie chinoise ont des répercussions directes sur les marchés mondiaux, en particulier sur les matières premières et les marchés émergents.

D. La Banque du Japon (BoJ)

La BoJ joue un rôle central dans la stabilité financière de l'Asie et a des implications mondiales. Ses politiques de taux d'intérêt bas, d'assouplissement quantitatif et d'intervention sur le marché des changes influent sur les cours des devises et des actifs japonais. Les investisseurs du monde entier surveillent attentivement les annonces de la BoJ pour ajuster leurs stratégies d'investissement.

E. La Banque d’Angleterre (BoE)

En tant que banque centrale du Royaume-Uni, la BoE a une influence majeure sur les marchés financiers, en particulier en Europe. Ses décisions sur les taux d'intérêt, la politique monétaire et les mesures de soutien à l'économie britannique peuvent influencer la livre sterling et les marchés européens. Les événements liés au Brexit ont accentué l'attention portée aux actions de la BoE.

F. La Banque nationale suisse (BNS)

Bien que la Banque nationale suisse (BNS) ne soit pas aussi vaste en termes de taille économique que les banques centrales citées précédemment, son influence est néanmoins significative, en particulier en raison de la nature unique de l'économie suisse. La Suisse est connue pour sa stabilité financière, son secteur bancaire solide et son statut de refuge sûr. La BNS joue un rôle essentiel dans le maintien de cette stabilité. La politique monétaire de la BNS est souvent orientée vers la maîtrise de la valeur du franc suisse. En raison de son statut de valeur refuge, le franc suisse a tendance à s'apprécier en période d'incertitude mondiale, ce qui peut avoir des implications pour les exportations suisses. La BNS intervient régulièrement sur les marchés des changes pour atténuer l'appréciation excessive du franc suisse et soutenir la compétitivité des entreprises suisses. De plus, la BNS est connue pour son approche innovante en matière de politique monétaire. Elle a en effet été l'une des premières à introduire des taux d'intérêt négatifs pour décourager les investisseurs d'accumuler du franc suisse, contribuant ainsi à maintenir une politique monétaire accommodante. Cette approche a également eu des répercussions sur les marchés financiers mondiaux car elle a influencé les rendements des obligations et les stratégies d'investissement.

II. Taux d’intérêt et politiques monétaires 

La politique monétaire, en particulier la gestion des taux d'intérêt, constitue l'un des instruments essentiels utilisés par les banques centrales pour peser sur les marchés financiers mondiaux. Les taux d'intérêt sont le coût du crédit et leurs fluctuations ont des répercussions immédiates sur les décisions d'emprunt, d'investissement et de consommation, façonnant ainsi la dynamique économique et financière à l'échelle mondiale. Une hausse des taux d'intérêt peut entraîner une augmentation des coûts d'emprunt, ce qui influence négativement les entreprises et les ménages. Cela peut également rendre les obligations plus attractives par rapport aux actions, provoquant une rotation des investissements vers les marchés obligataires et entraînant une baisse des cours des actions A l’opposé, une politique de taux d'intérêt bas vise à stimuler l'activité économique en rendant l'emprunt moins coûteux. Cela peut encourager les investisseurs à rechercher des rendements plus élevés dans des actifs plus risqués tels que les actions. Les entreprises peuvent également bénéficier de coûts d'emprunt plus bas, stimulant ainsi les investissements et la croissance économique de manière générale.

Les marchés obligataires sont particulièrement sensibles aux mouvements des taux d'intérêt. Lorsque les taux d'intérêt augmentent, la valeur des obligations existantes diminue car les investisseurs préfèrent de manière générale détenir des titres à revenu fixe offrant des rendements plus élevés. Cela peut entraîner des pertes pour les détenteurs d'obligations et les marchés obligataires peuvent connaître des périodes de volatilité relativement forte. Inversement, lorsque les taux d'intérêt baissent, la valeur des obligations existantes peut augmenter car les investisseurs auront tendance à rechercher des rendements plus élevés dans un environnement de taux bas. Cependant, des taux d'intérêt exceptionnellement bas peuvent également conduire à l’apparition de bulles spéculatives sur les marchés obligataires, avec des investisseurs pouvant accepter des rendements minimes ou même négatifs.

Aussi, les décisions de taux d'intérêt affectent directement les emprunteurs et les épargnants. Des taux d'intérêt bas sont avantageux pour les emprunteurs, car ils réduisent le coût du crédit, encourageant ainsi la consommation et l'investissement. Cependant, cela peut être préjudiciable pour les épargnants, en particulier pour ceux qui dépendent des revenus d'intérêts puisque les rendements sur les comptes d'épargne et les obligations peuvent être plus faibles. A l'inverse, des taux d'intérêt plus élevés peuvent bénéficier aux épargnants en offrant des rendements plus attractifs, mais cela peut également entraîner des coûts supplémentaires pour les emprunteurs et freiner l'activité économique en bout de ligne.

Surtout, les marchés financiers sont sensibles aux anticipations des décisions futures de la banque centrale en matière de taux d'intérêt. Les discours, les communiqués de presse et les indications prospectives des responsables des banques centrales sont scrutés de près par les investisseurs pour anticiper la trajectoire future des taux. Les surprises par rapport aux attentes et aux anticipations peuvent déclencher des mouvements brusques sur les marchés financiers. Un exemple concret et symptomatique d'une annonce de banque centrale ayant créé un mouvement brusque sur les marchés financiers remonte à la période de communication de la Réserve fédérale américaine (FED) en 2013, lorsque Ben Bernanke, alors président de la FED, a évoqué la possibilité de réduire le programme d'assouplissement quantitatif[1], communément appelé une phase de resserrement (tapering).

Le 22 mai 2013, lors d'une audition devant le Congrès américain, Bernanke a suggéré que la FED pourrait commencer à réduire ses achats d'actifs si l'économie américaine continuait à montrer des signes de reprise solide. Cette déclaration a été interprétée par les marchés comme un signal que la FED envisageait de réduire son soutien monétaire, ce qui a entraîné une réaction rapide et brutale sur les marchés mondiaux. Ainsi, le simple fait d'évoquer la possibilité de réduire le programme d'assouplissement quantitatif a provoqué une hausse significative des rendements des obligations, une baisse des cours des actions et une volatilité accrue sur les marchés des changes. Les investisseurs, qui s'étaient habitués à une politique monétaire très accommodante, ont réagi avec nervosité à cette perspective de changement. Cet événement est souvent désigné comme le taper tantrum. Il a illustré la sensibilité des marchés financiers aux indications prospectives des banques centrales et souligné l'importance de la communication claire et cohérente des politiques monétaires. Depuis cet épisode, les banques centrales du monde entier sont devenues encore plus attentives à la manière dont elles communiquent leurs intentions pour éviter des réactions excessives et des perturbations sur les marchés financiers.

[GRAPH MACRO MICRO]

III. Intervention des banques centrales sur les marchés des changes

L'intervention des banques centrales sur les marchés des changes constitue un aspect crucial de leur arsenal d'outils pour influencer les conditions économiques et financières. Cette stratégie vise souvent à stabiliser la valeur de la monnaie nationale, à maintenir la compétitivité économique de leur Etat et à atténuer les risques liés aux fluctuations excessives des taux de change. Les banques centrales interviennent sur les marchés des changes pour atteindre plusieurs objectifs. L'un des principaux objectifs est de prévenir une volatilité excessive ou des mouvements brusques des taux de change, qui pourraient avoir des conséquences néfastes sur les exportations, les importations et la stabilité économique. De plus, l'intervention peut être utilisée pour corriger des déséquilibres persistants dans la balance des paiements ou pour contrer des attaques spéculatives contre la monnaie nationale.

Pour atteindre cet objectif, les banques centrales utilisent différentes méthodes pour intervenir sur les marchés des changes. L'achat ou la vente directe de devises nationales sur le marché des changes est l'une des approches les plus courantes. En outre, certaines banques centrales peuvent recourir à des interventions coordonnées avec d'autres institutions pour amplifier leur impact. Les interventions peuvent également prendre la forme d'annonces ou de signaux verbaux destinés à influencer les attentes des participants du marché. Parfois, la simple indication qu'une banque centrale est prête à intervenir peut suffire à modifier les comportements des acteurs du marché.

Un exemple concret d'intervention sur les marchés des changes remonte à l'année 2011, lorsque la Banque du Japon (BoJ) a pris des mesures significatives pour affaiblir le yen japonais. À l'époque, le yen s'était apprécié de manière abrupte en raison de la montée des inquiétudes liées aux catastrophes naturelles, notamment le séisme et le tsunami de mars 2011. En conséquence, la BoJ a annoncé une intervention massive sur le marché des changes en vendant des yens et en achetant d'autres devises, notamment du dollar américain. Cette action visait à atténuer l'impact négatif de l'appréciation du yen sur les exportations japonaises, cruciales pour l'économie de ce pays insulaire. L'intervention de la BoJ a entraîné une dépréciation significative du yen par rapport au dollar, démontrant ainsi le pouvoir des banques centrales d'influer sur les taux de change. Cependant, l'intervention sur les marchés des changes n'est pas sans critiques. Certains estiment que cela peut conduire à des distorsions sur les marchés, fausser les signaux économiques naturels et créer des opportunités pour les spéculateurs. De plus, le succès à long terme de telles interventions dépend souvent de la capacité des banques centrales à maintenir la confiance des participants du marché dans leurs actions.

IV. L’impact des banques centrales sur le marché des matières premières

Le marché des matières premières est un secteur essentiel de l'économie mondiale, influencé par divers facteurs, dont les décisions des banques centrales. En intervenant au travers de leurs politiques monétaires, elles peuvent exercer une influence significative sur les prix des matières premières, affectant ainsi les économies nationales et par extension les marchés financiers mondiaux. Comme nous l’avons vu précédemment, les taux d'intérêt fixés par les banques centrales ont un impact direct sur les coûts de financement, qui, à leur tour, influencent les investissements dans les secteurs liés aux matières premières. Par exemple, des taux d'intérêt bas peuvent encourager les investissements dans l'exploration et l'exploitation minière, stimulant ainsi l'offre de matières premières. A l'inverse, des taux d'intérêt plus élevés peuvent rendre ces investissements moins attrayants, ce qui pourrait limiter l'offre en circulation et augmenter les prix.

Les interventions sur les marchés des changes citées précédemment peuvent également influencer les prix des matières premières. Lorsqu'une banque centrale agit pour affaiblir sa devise, cela peut rendre les matières premières libellées dans cette devise moins coûteuses pour les détenteurs d'autres devises, stimulant ainsi la demande et poussant les prix à la hausse. La Banque populaire de Chine (PBOC) a souvent été associée à des interventions sur les marchés des changes pour influencer la valeur du yuan chinois. Lorsque la PBOC a décidé de dévaluer le yuan en 2015, cela a eu des répercussions immédiates sur les prix des matières premières. Une dévaluation du yuan a ainsi rendu les matières premières libellées dans cette devise moins chères pour les acheteurs étrangers, stimulant ainsi les exportations chinoises de matières premières et influençant les marchés mondiaux.

[GRAPH MACRO MICRO YUAN 2015]

V. Conclusion

En conclusion, l'analyse des implications des décisions des grandes banques centrales sur les marchés financiers mondiaux révèle un panorama complexe et interconnecté. Les instruments de politique monétaire tels que les taux d'intérêt, les politiques de change et les programmes d'assouplissement quantitatif sont des leviers puissants dont disposent ces institutions pour stimuler ou freiner l'activité économique. Il en découle un environnement financier où la vigilance des investisseurs est de mise, nécessitant une compréhension approfondie des politiques monétaires et une capacité à anticiper les évolutions économiques mondiales.

Pour un investisseur, se tenir au courant des annonces, des décisions et de l’agenda économique des grandes banques centrales revêt donc une importance cruciale. Ces événements sont des indicateurs clés qui peuvent aider à orienter les stratégies d'investissement, influencer les rendements sur les différents marchés et même définir les tendances économiques à venir. La capacité à anticiper les mouvements des taux d'intérêt, les ajustements des politiques de change et d'autres décisions des banques centrales permet aux investisseurs d'ajuster leurs portefeuilles en conséquence, réduisant ainsi les risques et capitalisant sur les opportunités émergentes. En fin de compte, être bien informé sur les politiques monétaires mondiales et les décisions des banques centrales constitue un atout stratégique indéniable.


Notes

[1] L’assouplissement quantitatif (quantitative easing ou QE en anglais) désigne un type de politique monétaire par laquelle une banque centrale rachète massivement de la dette publique ou d’autres actifs financiers dans le but de réinjecter de l’argent dans l’économie pour stimuler la croissance.